Acheter en galerie ou auprès d’un(e) artiste ?

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Acheter en galerie ou auprès d’un(e) artiste ?

 

Ou pourquoi faut-il AUSSI encourager les galeries d’art!

Bon, certains diront que je prêche pour ma paroisse ou que je manque d’objectivité, mais sachez que la personne qui écrit ces lignes était d’abord artiste avant d’être galeriste. Elle connaît donc les deux côtés de la médaille. Et tous les galeristes diront qu’il leur arrive régulièrement d’être confrontés à des clients réfractaires à l’idée d’acheter directement en galerie, parfois parce que ces derniers ont une mauvaise perception de l’importance du rôle joué par l’entreprise visitée, mais souvent aussi parce qu’ils pensent pouvoir acquérir une œuvre à moindre prix auprès d’un artiste qu’ils aiment. Le tout, même s’ils l’ont découvert grâce à la galerie.

Tout d’abord, la représentation d’un artiste en galerie est basée sur un principe de confiance mutuelle. Si l’artiste peut vendre des œuvres de son côté (ce n’est pas toujours le cas), il ou elle doit les vendre à la valeur du marché, et donc aux mêmes prix qu’en galerie. Ce principe s’applique également à cette dernière, puisqu’elle doit vendre aux prix entendus avec l’artiste. S’il y a abus de confiance d’un côté ou de l’autre, par exemple si la galerie augmente les prix ou si l’artiste vend une œuvre à rabais en atelier, cela risque de mettre fin à toute entente de représentation. Pour que le travail de l’artiste rayonne parfaitement, les deux parties doivent donc collaborer main dans la main. C’est également une question de respect pour tous les clients; pourquoi l’un pourrait avoir une œuvre à la moitié du prix qu'un autre l’aurait payée ? Ça n’a pas de sens, pas plus que ça ne tient pas la route si l’artiste souhaite évoluer en tant qu’artiste professionnel tout en s’assurant que ses œuvres maintiennent leur valeur avec le temps.

 

À venir dans un prochain article : Sur quels principes se base-t-on pour calculer la valeur d’une œuvre ?

 

Ce n’est pas pour payer moins cher, mais plutôt pour encourager (uniquement) l’artiste.

L’intention est noble, puisque c’est aussi pour l’art et les artistes que nous faisons ce métier. Mais imaginez si tous les acquéreurs fonctionnaient ainsi ! Il n’y aurait tout simplement plus de ces galeries où nous pouvons actuellement découvrir des artistes et donc moins d’espaces d’exposition et de diffusion pour ces derniers. C’est un cercle vicieux dont il faut se sortir !

Croyez-moi lorsque je vous dis qu’on est dans le milieu de l’art par passion et non pour des raisons pécuniaires. Tant les artistes que les galeristes (et tous les acteurs de ce milieu), d’ailleurs. Pas parce que faire de l’argent c’est mal, mais bien parce qu’il serait utopique de penser devenir riche en étant dans ce milieu.

J’ai pour ma part choisi de représenter des artistes émergents parce que j’ai compris que ma force était de mettre les autres en lumière. C’est dans ce rôle également que j’ai le sentiment d’accomplir quelque chose ! Faire rayonner les talents d’ici et d’ailleurs, c’est ce qui me motive à me lever le matin. Même si je dois travailler tous les jours de l’année, sans compter les heures. Car voir briller des étoiles dans vos yeux lorsque vous découvrez leur travail dans notre espace est ma plus grande récompense. Et ma plus grande fierté, c’est de pouvoir soutenir plus de quinze artistes grâce à tout ce que l’on déploie comme énergie !

 

« Le destin n’est pas une question de chance, mais de choix. » —William Jennings Bryan (1860 - 1925)

 

Évidemment, beaucoup d’artistes ne sont pas représentés en galerie, et ce n’est pas parce que la qualité et l’originalité n’y sont pas. Il n’y a tout simplement pas assez d’espaces de diffusion pour tous les artistes de ce monde. Ainsi, si vous avez un coup de cœur pour le travail d’un artiste émergent en qui vous croyez, encouragez-le sans hésiter. Cela lui permettra de persévérer dans sa démarche et peut-être, un jour, de percer le milieu en étant sélectionné par une galerie !

 

D’accord, mais pourquoi être représenté par une galerie d’art, au juste?

Voilà une question à long développement ! 

Premièrement, pour la vitrine que cela offre aux artistes. En effet, même aujourd’hui, avec l’ère des réseaux sociaux, il n’y a rien comme voir une œuvre in situ, devant nos yeux, dans ses véritables dimensions. C’est seulement de cette façon que nous pouvons contempler tous les détails, la profondeur, les couleurs et les textures d’une création et ainsi en apprécier chaque recoin pour bien l’apprivoiser. En outre, les galeries sont comme autant de petits musées que les collectionneurs ou amateurs d’art aiment parcourir pour découvrir de nouveaux artistes ou les dernières créations d’un artiste qu’ils aiment. 

Aller en galerie peut aussi être moins intimidant que d’aller dans l’atelier d’un créateur. En fait, c’est moins engageant, puisque vous n’entrez alors pas dans la bulle de ce dernier. Vous pouvez prendre le temps d’admirer toutes les œuvres que vous voulez sans nécessairement engager une conversation avec autrui. Bref, c’est comme aller dans un musée, mais avec l’option de pouvoir repartir avec un coup de cœur ! Si vous le désirez, vous pouvez demander à rencontrer l’artiste par la suite. Cela vous permettra d’ajouter une dimension à votre acquisition, mais ce n’est pas nécessaire. Plusieurs préfèrent garder l’anonymat ou s’approprier la symbolique de l’œuvre, et c’est très bien ainsi. L’art, c’est une affaire personnelle, et il faut suivre son cœur !

Outre d’offrir une vitrine dans un lieu d’exposition de qualité, la galerie s’occupe des communications sur plusieurs plateformes pour bien diffuser le travail des artistes, telles que les réseaux sociaux, un site Internet à jour et idéalement transactionnel ainsi que les médias locaux, régionaux et provinciaux. Elle se charge également des suivis avec ses clients en plus de mettre sur pied bon nombre d’expositions thématiques afin de piquer la curiosité des amateurs d’art et de nouveaux collectionneurs. Les expositions sont également un bon moyen pour jumeler des artistes dont le travail pourrait être complémentaire, sans toutefois nuire à l’un ou à l’autre. Tout cela aide à faire croître le réseau d’un créateur, et c’est très difficile, voire impossible, d’y arriver seul. Cela permet aussi à ce dernier d’avoir plus de temps à consacrer à la création, puisqu’il n’a pas à se soucier du reste (ou presque) ! Bref, la galerie et l’artiste fonctionnent ensemble un peu comme le lichen, un magnifique organisme constitué de deux entités évoluant en symbiose pour pouvoir vivre et grandir.

 

« Mettre tout en équilibre, c’est bien. Mettre tout en harmonie, c’est mieux. » — Victor Hugo (1802 - 1885)

 

Malgré tout, je ne comprends pas pourquoi la marge qu’une galerie prend sur une œuvre est aussi élevée.

Pour commencer, chaque galerie est différente et a sa façon de faire selon le marché dans lequel elle évolue. Bien que la norme soit de 50 %, la marge peut être moindre comme elle peut être plus élevée. Lorsqu’elle est plus élevée, c’est habituellement parce que la galerie s’ajoute une marge pour la négociation. Pour notre part, nous avons choisi de laisser le plus grand pourcentage possible de la vente à nos artistes, c’est-à-dire 60 %. En d’autres mots, nous prenons 40 % du prix d’une œuvre. Malgré tout, cela vous paraît beaucoup ? Bien que cette liste soit non exhaustive, voici ce qu’une galerie a généralement à assumer (et ce dont l’artiste bénéfie par le fait même) :
  • Le coût du loyer ou de l’hypothèque et des taxes de la bâtisse qu’elle occupe pour exposer les œuvres. Une galerie a besoin de beaucoup de pieds linéaires pour mettre sur pied des expositions, et plus l’espace est grand, plus il coûte cher. Ainsi, comparativement à un commerce de détail, le coût au pied carré qu’une galerie d’art a à supporter est extrêmement élevé;
  • Le coût des assurances pour couvrir la valeur de l’ensemble des œuvres exposées et entreposées sur place;
  • Le salaire du ou des employés;
  • Notre engagement à être ouvert et accessible pour tous les clients sur une base annuelle, sept jours sur sept;
  • Le coût des encadrements. Étant donné que la vente d’une œuvre n’est jamais garantie, la galerie doit assumer un gros inventaire de cadres pour la mise en valeur de tous les tableaux;
  • Le temps alloué aux communications sur les réseaux sociaux;
  • Les placements publicitaires sur différentes plateformes afin d’assurer une visibilité grandissante pour chacun des artistes;
  • La prise de photos des œuvres (certaines galeries doivent engager des photographes) pour leur mise en ligne et pour agrémenter le portefolio des créateurs;
  • La tenue d’un site Internet transactionnel;
  • Le coût des emballages pour assurer le transport des œuvres de façon sécuritaire lors d’une vente en ligne ou en galerie;
  • La manutention des œuvres (de la réception à l’encadrement jusqu’à la livraison);
  • Le service à la clientèle, incluant un service-conseil personnalisé (par courriel, par téléphone ou lors des visites);
  • L’organisation d’expositions et d’événements artistiques;
  • L’impression des certificats d’authenticité;
  • La rédaction de la démarche artistique de chacun des artistes;
  • L’impression de catalogues papier pour les visiteurs;
  • Être présent pour ses artistes, pour les conseiller et pour les aider dans la mise en valeur de leur travail;
  • Tout le reste : l’entretien intérieur et extérieur de la bâtisse, la tenue d’inventaires, la comptabilité, etc.

Tout cela, sans jamais savoir s’il y aura une vente à l’intérieur d’un mois donné. Pourquoi ? Parce que, malheureusement, nous nous adressons à une minorité de la population. Pas parce que l’art n’est pas accessible à tous, mais bien parce que la société a oublié, avec le temps, d’en assurer sa démocratisation. Comme si l’art n’était fait que pour l’élite ou pour les gens provenant uniquement du milieu culturel. Notre rôle en tant que galeriste n’est donc plus seulement d’exposer le travail des artistes, il est aussi celui de sensibiliser les gens à l’importance de l’art dans nos vies respectives. À vrai dire, ce n’est pas seulement important, c’est une nécessité ! 

Acheter en galerie ou auprès d’un artiste

 

Enfin, la prochaine fois que vous entrerez dans une galerie, n’hésitez pas à échanger avec la personne en place, car elle connaît bien chacun des artistes présentés et ce sera un bonheur pour elle de mettre en lumière leur démarche ainsi que leurs toutes dernières réalisations. Votre plus grand risque sera d’en repartir grandi et inspiré ! Et si jamais vous acquérez une œuvre lors de cette visite, sachez qu’en plus d’encourager un artiste, vous permettrez à la galerie de poursuivre ses activités et ainsi de pouvoir investir davantage dans le rayonnement de tous ses créateurs. 

 

Par Camille Paradis, directrice artistique chez Champagne et Paradis




2 Réponses

André Ouellet
André Ouellet

22 août 2022

L’art rend heureux. Voilà, tout a été dit!

Normand Giguère
Normand Giguère

30 octobre 2021

Bravo pour ce texte qui explique très bien la gamme des activités que réalise une galerie pour la mise en marché de la production d’un artiste et toutes les dépenses que doit supporter une galerie à cette fin. Les 50 ou 40% prennent alors bien du sens et on voit qu’ils sont bien mérités.

Bonne continuation!

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